L’Affaire du Siècle : l’Etat devra réparer le préjudice écologique dont il est responsable

Décision de justice
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Par un jugement du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a, pour la première fois, enjoint à l’Etat de réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le changement climatique. A cette fin, le tribunal a ordonné que le dépassement du plafond des émissions de gaz à effet de serre fixé par premier budget carbone (2015-2018) soit compensé au 31 décembre 2022, au plus tard.

En mars 2019, les associations de défense de l’environnement Oxfam France, Notre Affaire à tous, Fondation pour la Nature et l’Homme et Greenpeace France ont introduit quatre requêtes devant le tribunal administratif de Paris afin de faire reconnaître la carence de l’Etat français dans la lutte contre le changement climatique, d’obtenir sa condamnation à réparer non seulement leur préjudice moral mais également le préjudice écologique et de mettre un terme aux manquements de l’Etat à ses obligations.

Par un jugement du 3 février 2021, le tribunal a considéré que l’Etat devait réparer le préjudice écologique causé par le non-respect des objectifs fixés par la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a également ordonné un supplément d’instruction avant de statuer sur l’évaluation et les modalités de réparation concrètes de ce préjudice.

Par son jugement rendu le 14 octobre 2021, le tribunal indique tout d’abord qu’il lui revient de vérifier si le préjudice né du dépassement du premier budget carbone perdure et s’il a déjà fait l’objet de mesures de réparation à la date du jugement. En revanche, il ne lui appartient pas de se prononcer, ainsi que le demandaient les associations, sur le caractère suffisant de l’ensemble des mesures susceptibles de permettre d’atteindre l’objectif de réduction de 40 % des gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990, cette question ayant été examinée par le Conseil d’Etat dans sa décision du 1er juillet 2021, Commune de Grande-Synthe.

Le tribunal relève ensuite que le plafond d’émissions de gaz à effet de serre fixé par le premier budget carbone pour la période 2015-2018 a été dépassé de 62 millions de tonnes « d’équivalent dioxyde de carbone » (Mt CO2eq). L’évaluation du préjudice se faisant à la date du jugement, le tribunal relève que la réduction substantielle des émissions de gaz à effet de serre en 2020, bien que liée de façon prépondérante aux effets de la crise sanitaire de la covid-19 et non à une action spécifique de l’Etat, doit être prise en compte en tant qu’elle permet, pour partie, de réparer le préjudice. En définitive, le tribunal constate que le préjudice perdure à hauteur de 15 Mt CO2eq.

S’agissant des modalités de réparation du préjudice, le tribunal ordonne au Premier ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures sectorielles utiles de nature à réparer le préjudice à hauteur de la part non compensée d’émissions de gaz à effet de serre au titre du premier budget carbone. Le tribunal ajoute que le contenu de ces mesures relève de la libre appréciation du gouvernement à laquelle il ne lui appartient pas de se substituer.

Le tribunal précise que le préjudice écologique né d’un surplus d’émissions de gaz à effet de serre présente un caractère continu et cumulatif dès lors que le dépassement du premier budget carbone a engendré des émissions supplémentaires de gaz à effet de serre, qui s’ajouteront aux précédentes et produiront des effets pendant toute la durée de vie de ces gaz dans l’atmosphère, soit environ 100 ans. Par conséquent, la réparation de ce préjudice implique non seulement l’adoption de mesures propres à le faire cesser mais également que celles-ci soient mises en œuvre dans un délai suffisamment bref pour prévenir l’aggravation des dommages constatés. Le tribunal ordonne en conséquence que la réparation du préjudice constaté de 15 MtCo2eq soit effective au 31 décembre 2022 au plus tard. Et, à ce stade, il n’assortit pas cette injonction d’une astreinte.

 

Lire le jugement n° 1904967-1904968-1904972-1904976

Contact Presse : Florence Demurger, florence.demurger@juradm.fr

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