Blocage d’un site pornographique pour empêcher l'accès des mineurs à son contenu

Décision de justice
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Le tribunal administratif de Paris rejette un recours contre une décision de l’Arcom du 6 mars 2025 enjoignant à la société Cloudflare de bloquer le site de la plateforme Camschat de partage de vidéos pornographiques dans un délai de quarante-huit heures.

Depuis une loi du 21 mai 2024, l’Arcom peut enjoindre au fournisseur d’accès internet ou de système de résolution de noms de domaine de bloquer dans un délai de quarante-huit heures le site d’une plateforme de partage de vidéos pornographiques qui se contente d’une déclaration d’âge pour empêcher l’accès des mineurs à ses contenus. Cette injonction peut être contestée devant le tribunal administratif qui doit se prononcer dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. Examinant pour la première fois un tel recours, la juridiction parisienne a eu à se prononcer sur plusieurs questions de principe.

 

La première portait sur la compatibilité de la loi française avec le règlement européen sur les services numériques (dit « DSA »), qui encadre les activités des plateformes. Il s’agissait en particulier d’apprécier si le législateur national pouvait fixer des règles complémentaires à celles issues du droit de l’Union. Le tribunal a relevé que le règlement européen procède à une harmonisation complète du régime de protection des mineurs s’agissant des fournisseurs de plateformes en ligne normalement accessibles aux mineurs -définies notamment comme celles pour lesquelles aucune condition d’âge n’est posée – et de « très grandes plateformes en ligne » - définies notamment par un nombre moyen de destinataires actifs de service supérieur à 45 millions. S’agissant de telles plateformes, les autorités nationales sont en principe dessaisies de leur compétence normative. En revanche, le tribunal a estimé que le règlement européen ne procède pas à une telle harmonisation s’agissant des autres plateformes qui ne relèvent pas de ces deux catégories, à l’instar de Camschat. Il a en conséquence considéré que pour protéger les mineurs contre les contenus proposés par celles-ci, les Etats membres peuvent édicter des mesures complémentaires à celles du règlement européen.

 

La deuxième question concernait la portée territoriale de l’injonction de blocage prononcée par l’Arcom. Le tribunal a considéré que même si l’injonction peut viser des plateformes ayant leur siège hors de France, seuls les mineurs établis sur le territoire français doivent être empêchés d’accéder à ces contenus en ligne.

 

Enfin, le tribunal a jugé que le dispositif de contrôle par l’Arcom porte une atteinte proportionnée aux libertés d’entreprise et d’expression. Il a en effet relevé que la loi poursuit l’objectif légitime d’empêcher l’accès des mineurs à des contenus à caractère pornographique en ligne et qu’aucun dispositif moins attentatoire à l’exercice des droits ne permet d’atteindre cet objectif. Il a en outre constaté que le fournisseur d’accès internet ou de système de résolution de noms de domaine, à l’instar de la société Cloudflare, n’est pas automatiquement sanctionné du fait de l’inexécution de l’injonction de blocage. Ce dernier peut également éviter toute sanction pécuniaire en prouvant avoir pris toutes les mesures raisonnables ou en démontrant le caractère de « sacrifices insupportables », au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, des mesures ordonnées.

 

Lire le jugement n° 2506972

 

Contact presse : communication.ta-paris@juradm.fr